Se raccorder au Vivant, quel en-jeu, quelles voies ?

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Nos modèles d’organisations humaines sont difficiles à gérer, or il existe des organisations dans la nature et l’univers depuis très longtemps ; la matière ne nous a pas attendus pour s’organiser.

Les stratégies dans la nature sont multiples et difficiles à analyser et à comprendre dans leur entièreté car on est systématiquement limité.e.s – entre autres – dans la compréhension des contextes dans lesquels elles s’exercent. Du fait notamment d’une caractéristique de base de la complexité : tout dans le vivant est interconnecté et tout s’influence, rien n’existe de façon isolée.

Et si… ces stratégies prenaient toutes racine dans un petit nombre de principes fondamentaux qui ne dépendent pas des contextes, ou dit autrement, qui s’exercent dans tous les contextes ?

Des principes fondamentaux qui régissent toute forme de vie sur Terre, et par conséquent tout ce que nous sommes en tant qu’humains et ce que nous sommes capables de créer.

C’est ce que des êtres humains de tous horizons observent et qualifient de façon continue depuis des millénaires et en tous lieux sur la planète : mathématiciens, physiciens, biologistes, biomiméticiens, philosophes, psychanalystes, psychologues, médecins, guérisseurs, artistes, religieux,…

La complexité nous apprend à nous méfier des certitudes et nous invite à adopter une posture d’ouverture permanente, une capacité à remettre en question ce que l’on croit être vrai, pour intégrer les nouveaux éléments qui émergent au fil de l’eau. Elle demande à la fois de pouvoir établir des constats à un instant donné, sur ce qui semble avoir une forme de vérité (car si tout est doute, alors on ne peut pas agir) ; et en même temps de se souvenir que nos constats sont toujours imparfaits (car incomplets) et quelques parts subjectifs (car ils sont passés à la moulinette de nos perceptions).

Mon hypothèse et mon constat à date, est que connaître ces principes fondamentaux du vivant nous permet de revenir aux règles du jeu du vivant, de la vie. Si on connaît les règles de ce qui (littéralement) nous anime, on peut alors créer toutes les formes que l’on veut avec la confiance qu’elles seront fonctionnelles (au sens où elles serviront le vivant).

Se relier consciemment à ces principes nous permet de retrouver un socle sur lequel semer nos intentions et planter nos actes.

L’enjeu est énorme :

  • de retrouver du pouvoir d’agir dans une période où beaucoup ont l’impression d’en perdre ou de ne plus en avoir ;
  • de déployer nos potentiels individuels et collectifs quand beaucoup ont l’impression que vivre c’est attendre de mourir
  • et au final, d’incarner plus pleinement notre humanité, en cohérence avec le reste de ce grand ensemble du Vivant.

Il semble illusoire de penser qu’une absence de cohérence puisse générer des créations qui fonctionnent. Aujourd’hui, à travers notre volonté de contrôle à tout prix, on crée de nouvelles branches, plein de nouvelles branches même, car… on est des êtres créatifs !! Mais beaucoup ne sont plus ancrées dans aucun ordre vivant, elles ne sont plus rattachées à aucun tronc. Bien souvent on ne sait plus, de façon profonde, pourquoi on fait les choses ; on les rattache à des raisonnements logiques, mais pas au vivant ; on sèche au bout du 3e « Pourquoi ? » (« Parce que c’est comme ça ! »)

Or toute branche non rattachée à un tronc n’est en fait… pas vivante.

En pensant faire vivre (et « évoluer ») notre espèce, nous créons en réalité des choses déjà mortes.

Tôt ou tard, les branches mortes tomberont, nous entraînant avec elles.

Alors comment avancer ?

Il y a plein de voies possibles pour se raccorder au vivant. Autant que de voies qui étudient ces principes fondamentaux, évoquées plus haut. Selon moi elles se distinguent par leurs formes et en même temps se ressemblent dans leur quête et par leurs trouvailles.

En voici quelques-unes qui m’inspirent personnellement particulièrement, et sur lesquelles je prends appui dans mes interventions, conférences et accompagnements :

  • La Science des systèmes complexes ; la complexité est un sujet d’étude à proprement parler, elle est un état de fait avant d’engendrer un état émotionnel ; il importe selon moi d’en comprendre les caractéristiques pour pouvoir s’interroger sur la façon de la naviguer de façon agile et sereine
  • la Philosophie ; au sens de la démarche philosophique, qui pose un regard existentiel sur l’être humain et met en perspective, interroge, son vécu et sa place, pour qu’il puisse se voir et ainsi mieux se connaître. J’aime la polarité des aspects « perché <ET> ancré » des réflexions philosophiques
  • le Biomimétisme ; qui observe le vivant et ses stratégies avec un oeil fonctionnel pour s’en inspirer dans nos fonctionnements humains (par ex. s’inspirer du fonctionnement d’une fourmilière pour interroger et faire évoluer notre façon de collaborer sur un projet ou dans une groupe). Intéressant je trouve si tant est qu’il est ancré dans une intention de connexion et d’équilibre avec le Vivant
  • l’Alchimie ; les alchimistes se disaient étudier la science de la nature, et avaient une vision systémique du vivant, de cohérence et de miroir à toutes les échelles (du microcosme au macrocosme). Pour eux, si l’Homme était capable de se connaître soi-même, il connaîtrait l’Univers tout entier, et leur quête était donc celle-ci. Le chemin, celui de la transmutation : mourir à nos illusions pour pouvoir naître à notre véritable nature. Je trouve passionnante leur approche à la fois matérielle et spirituelle, personnelle et collective, entre ombre et lumière
  • la Communication Non Violente ; une démarche puissante qui explore les besoins fondamentaux des êtres humains et conçoit nos émotions et nos sentiments comme des indicateurs, des voyants lumineux pointant vers ce dont on a besoin fondamentalement. Une démarche de transmutation de nos émotions pour retrouver notre pouvoir d’agir et d’interagir, à notre juste place parmi les autres
  • La Psychologie ; sous diverses formes et ses découvertes sur le fonctionnement de la psyché humaine et les relations. C’est vaste ! mais les acteur.ice.s dans ce domaine sont de précieux.ses contributeur.ice.s à une meilleure compréhension de ce qui sous-tend le fait d’être humain et décode notre façon d’interagir – avec nous-mêmes, entre nous humains, et avec ce qui nous entoure
  • La Permaculture ; les intentions qui fondent toute pratique permaculturelle sont celles de prendre soin de la Terre, prendre soin des êtres humains, et partager équitablement (mettre des limites à notre consommation et partager les surplus). Elle place de fait les êtres humains comme des vivants parmi les vivants, et invite tant à « réfléchir » à notre juste place dans le vivant, qu’à la prendre, l’incarner concrètement dans nos actions et gestes quotidiens. Une pratique qui fait descendre l’esprit dans la matière, qui m’apporte personnellement beaucoup, tant dans mes réflexions que dans les aspects matériels de ma vie

Ma question – intrigue – inspiration – qui façonne mes contributions :

Qu’apporterait la démarche de rouvrir en nous des accès à l’intelligence vivante présente en nous tou.te.s, retrouver, re-connaître des évidences ?

De rendre visible ce qui est invisible et qui pourtant infuse tout ? Il s’agit de reprendre comme base quelque chose qui est déjà là, nous remettre individuellement, et remettre nos organisations, en cohérence avec le Vivant, pour recommencer à alimenter et créer des dynamiques vivifiantes plutôt que mortifères.

Un exemple de principe ?

La Polarité est un des principes du Vivant (un des 7 desquels je m’inspire particulièrement) : toute chose possède des pôles, tout est double, les opposés coexistent, il y a un continuum entre les opposés, et c’est grâce à la polarité qu’il y a création. C’est la différence, l’antagonisme, qui permet la création de toute chose nouvelle, et, par conséquent, l’évolution. (Une réaction chimique par exemple n’a pas lieu s’il n’y a pas d’antagonisme entre les molécules.)

  • Aujourd’hui, quelle valeur accorde-t-on à la différence ? Est-ce que nous la cultivons, ou est-ce que nous cherchons à lisser, à uniformiser, à normer ?
  • Quelle place laisse-t-on aux tensions et aux conflits ? Comment les aborde-t-on : comme des terreaux vitaux et fertiles, ou comme des événements à éviter ?
  • Quelle acceptation avons-nous de nos paradoxes personnels, de nos contradictions ? Comment les navigue-t-on pour déployer notre créativité et notre potentiel ?
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