Les émotions sont aux actions ce que les graines sont aux plants : toute action prend sa source dans une émotion. Dit autrement, il n’y a pas d’action sans émotion. (1)
Quel est le lien entre action et émotion ? (2)
Synthétiquement, pour que le corps soit mis en mouvement, une énergie doit le traverser. Cette énergie est une émotion (e-motion = energy in motion).
Le mouvement (au sens large : physique, physiologique, et psychique) résulte de signaux envoyés par le cerveau aux muscles et organes via notre système nerveux autonome. Ces signaux dépendent eux-mêmes de l’émotion crééé par un stimulus reçu par le cerveau, qui lui-même résulte :
- Des stimulis de notre environnement extérieur (ce qui est en train de se passer)
- De notre système de croyances interne fondé sur nos expériences passées, qui va interpréter les stimulis externes
Sans émotion donc, pas d’action. Et dans l’autre sens, si action il y a, celle-ci est rattachée à une émotion.
Pour avoir la maîtrise de nos actions, il est donc important de prendre conscience des émotions qui y sont rattachées.
Pourquoi est-ce important ?
En regardant la chaîne de causes à effets, il est aisé de réaliser que la nature de nos actions (physiques et psychiques) est à l’image de celle de nos émotions.
Notre corps fonctionne ainsi depuis toujours, c’est la raison d’être du processus de réponse physiologique. Lorsqu’un de nos ancêtres était poursuivi par un lion, il valait mieux que ses battements de cœur s’accélèrent et que les muscles de ses jambes s’activent plutôt qu’il se relâche et qu’il fasse la sieste ! Inversement, lorsqu’on éprouve de la joie et de l’enthousiasme, il paraît souhaitable que notre corps se détende, que nos idées fusent, qu’on aille vers les autres,…
Il semble donc important de prendre conscience des émotions qui génèrent nos actions pour en maîtriser la nature et surtout la qualité.
Nous avons un superpouvoir…
Nous avons le pouvoir d’utiliser l’énergie de toutes nos émotions à des fins vertueuses pour nous-mêmes, et donc autrui.
Là est la vraie puissance : même l’énergie de nos émotions désagréables est une énergie utile. Si tant est qu’on sache l’extraire, et la rediriger.
(On appelle souvent « négatives » nos émotions désagréables mais, en réalité, elles ne sont négatives que si elles génèrent des actions qui nous desservent.)
Comment extraire et rediriger l’énergie de nos émotions désagréables ?
Plusieurs étapes nous permettent d’exercer notre superpouvoir.
1. Sentir l’énergie qui circule dans notre corps
- Reconnaître lorsqu’on ressent une émotion, prendre connaissance de ses ressentis physiques
« Qu’est-ce que je sens ? Comment ça fait dans mon corps ? Où ? »
2. Caractériser l’émotion : identifier le sentiment associé à l’émotion
- Identifier le sentiment associé à l’émotion, parmi les 4 grandes familles : Joie / Tristesse / Colère / Peur (3)
- NB. Un sentiment est propre à soi-même, personnel. Il est important de veiller à ne pas projeter des intentions sur les autres (ex. sentiment d’être seul plutôt que rejeté, triste/en colère plutôt que trahi,…)
« Quand je ressens ces sensations dans mon corps, quel est le sentiment derrière ? »
3. Décoder l’émotion : identifier le ou les besoins non satisfaits qu’elle révèle
- Une émotion désagréable exprime un besoin vital / fondamental non satisfait. C’est un des principes fondamentaux de notre fonctionnement, très bien établi par la Communication Non Violente(3)
- S’interroger sur le ou les besoins non satisfait(s) qui sont exprimés par l’émotion (3)
- Etape clé de voûte de l’opération, c’est elle qui permet de libérer l’énergie de l’émotion pour ensuite la rediriger à l’étape suivante
- NB. Notre corps est un indicateur durant cette étape : lorsque le besoin réel a été identifié, il se relâche, se détend. Un besoin a surtout besoin d’être reconnu avant d’être satisfait.
« Quand je me sens comme je me sens, j’aurais besoin de quoi ? Si ce besoin était satisfait, cela répondrait à quel besoin ? »
4. Mettre l’énergie libérée en mouvement
- Déterminer ce qui permettrait de répondre au(x) besoin(s) identifiés :
— Une action personnelle, physique ou psychique (ex. rassurer son mental)
— Une demande à autrui
« Quel est le plus petit pas possible que je pourrais entreprendre pour répondre au(x) besoin(s) que j’ai identifiés ? »
Et pour les émotions agréables ?
Il est tout aussi important d’être capable de les décoder aussi. Prendre conscience de la situation dans laquelle on l’a ressentie, identifier l’émotion et la nommer, comprendre quel(s) besoin(s) elle nourrit, et déterminer comment on souhaite utiliser l’énergie qu’elle nous procure pour amplifier la réponse au besoin ou en satisfaire d’autres. L’énergie libérée par une émotion positive est comme un catalyseur « gratuit » de nos projets !
Et les autres dans tout ça ?
Quand nos actions émanent d’une bonne compréhension de nos émotions, elles sont vertueuses pour nous comme pour autrui.
Vous servez-vous de votre superpouvoir ?
Quand vous agissez, savez-vous quelle émotion est à l’origine de votre action ?
Parvenez-vous à décoder les besoins qu’elle exprime ?
Votre action est-elle au service de la satisfaction de ces besoins ?
La période que nous vivons en ce moment génère des émotions particulièrement fortes en chacun de nous, notre corps et notre énergie nous parlent.
Ecoutez-vous ce qu’ils vous disent ?
Quel est le terreau émotionnel d’où germent vos réflexions et vos actions en cette période ?
Ne nous jugeons pas, offrons-nous simplement de répondre à ces questions de façon honnête, de conscientiser nos réponses. C’est le tout premier pas pour réveiller notre superpouvoir, et c’est déjà un grand pas.
Il me semble que nous sommes tous plus que jamais invités à…
… Prendre le temps du décodage, et non de la justification (la justification ne transmute pas, elle entretient).
… Opérer notre alchimie intérieure. Tout comme les alchimistes se servent du feu pour extraire les entités pures nécessaires à la prochaine opération, récupérons notre énergie vitale dont on a besoin pour inventer notre propre futur souhaitable, notre futur souhaitable collectif (familial, d’entreprise, de société), et les concrétiser.
Les bonnes intentions de notre mental ne suffisent pas, le monde que nous désirons adviendra si nous écoutons notre corps et la porte d’entrée est la compréhension de nos émotions.
Cela n’est pas chose facile même si c’est simple.
Cela nous plonge dans l’inconfort de la confrontation avec nous-mêmes, mais n’est-ce pas cette terre qu’il nous est donnée à explorer en confinement ?
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Notes :
(1) Les décisions historiques qui ont façonné notre monde, les grands mouvements de mobilisation, ont émané d’une émotion. De peur, de joie, d’enthousiasme, de tristesse, de colère,… Choisissez un événement, une période, une décision, et tentez de remonter le fil. Si vous trouvez une situation où ça n’était pas le cas, appelez-moi, je mourrai moins bête ! J
(2) Ce que dit la science : La recherche sur la physiologie des émotions est passionnante. Certaines disciplines ont exploré l’aval du processus, c’est-à-dire sur la réponse physiologique aux stimulis émotionnels et donc la mise en mouvement du corps. D’autres se sont intéressées à l’amont, c’est-à-dire les processus de génération des émotions elles-mêmes, l’intangible, les phénomènes de la conscience, de l’inconscient, des mémoires corporelles et psychiques,… Ce sujet est donc à la frontière de nombreuses disciplines (neurosciences, psychologie, sciences cognitives,…), entre la physiologie et la psychée, le visible et l’invisible. C’est à cette interface que se trouve la magie, où opère l’art de la transmutation, pour rendre visible l’invisible, avec encore beaucoup d’inconnu et de mystère. Quelques liens :
https://www.revue-horizons.ch/2019/03/07/sur-les-traces-des-emotions/
https://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/01/06/21819-premiere-carte-corporelle-emotions
https://journals.openedition.org/acrh/6720 (dossier du CRH sur l’histoire intellectuelle des émotions, labo de l’EHESS et du CNRS)
https://www.universalis.fr/encyclopedie/psychologie-des-emotions/1-qu-est-ce-qu-une-emotion/ (dossier Universalis sur la psychologie des émotions)
(3) La Communication Non Violente est un formidable outil de connexion à ce qu’on vit en soi et ce qu’on vit avec les autres. De nombreuses listes d’émotions et de besoins sont trouvables en ligne. J’en possède de très bien faites éditées par Les Architectures Invisibles (Vincent Houba, http://www.architectures-invisibles.com). N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez que je vous les transmette. Lien vers le site de l’association européenne de CNV : http://nvc-europe.org